A Tunis, les salles de cinéma font peau neuve pour les Journées cinématographiques de Carthage

La plupart de la vingtaine de salles de cinéma que compte encore la Tunisie se trouvent dans la capitale, comme l’ABC et Le Mondial. Malgré les subventions du gouvernement pour les maintenir en activité, leur état ne cesse de se détériorer.
La plupart de la vingtaine de salles de cinéma que compte la Tunisie se trouvent dans la capitale, comme l’ABC et Le Mondial. Malgré les subventions du gouvernement pour les maintenir en activité, leur état ne cesse de se détériorer.

Les responsables du festival de films arabo-africains ont mis en oeuvre un lifting express de près d’une dizaine d’écrans de la capitale et de sa banlieue, pour pouvoir accueillir les spectateurs dans des conditions satisfaisantes.

La Tunisie ne compte qu’une vingtaine de salles de cinéma, dont la majorité se situe dans la capitale et ses environs. Problème: ces lieux sont désertés par le public et leur état ne cesse de se dégrader. Pour que les spectateurs puissent assister aux projections dans des conditions satisfaisantes, les responsables des Journées cinématographiques de Carthage (JCC), plus important festival de cinéma tunisien dont la 25e édition s’ouvre ce samedi, ont entrepris la rénovation de près d’une dizaine d’écrans. Cette réfection a été rendue possible grâce à une subvention de 400’000 dinars (plus de 200’000 francs) accordée par le ministère de la Culture. C’est la première fois qu’une telle opération est coordonnée par les JCC.

«En mai dernier, nous avons dressé un état des lieux avec la directrice de l’édition 2014 Dora Bouchoucha et nous avons constaté qu’il y avait beaucoup de travail à accomplir afin que les salles soient dans un état correct pour accueillir le public, explique Meriem Ben Abdelmalek, responsable du parc cinémas au sein du comité d’organisation des JCC. Je ne parle pas de grand luxe, mais simplement de rendre ces espaces acceptables, propres et agréables.»

La responsable évoque l’état de délabrement de ces salles: des fauteuils cassés, abîmés, des tapisseries arrachées, des moquettes tachées, mais aussi des problèmes de plomberie et de maintenance dans les sanitaires ainsi qu’un manque général de propreté dans la quasi-totalité des lieux visités.

Subventions
Les JCC se sont alors tournées vers le ministère de la Culture pour obtenir une subvention. Un fonds spécial pour l’entretien des salles de cinéma a été créé dans les années 2000 pour les préserver de la détérioration et garder en activité la vingtaine d’écrans qui subsistent en Tunisie. Entre 300’000 et 400’000 dinars sont distribués chaque année, selon Fathi Kharrat, directeur du cinéma et de l’audiovisuel au ministère de la Culture.

Chaque propriétaire s’occupe généralement de l’entretien de sa salle et gère l’utilisation de sa part de la subvention. Mais cette fois, pour gagner du temps et réaliser des économies d’échelle, les JCC ont décidé, en accord avec les exploitants, de se poser en tant qu’intermédiaire entre eux et le ministère et de piloter les opérations de réfection. Le comité d’organisation a fait appel à un architecte unique et à une entreprise principale pour la planification et l’exécution des travaux.

La subvention de 400’000 dinars (qui ne fait pas partie du budget de 2 millions de dinars des JCC 2014) a été divisée entre neuf salles: Le Colisée, Le Palace, l’ABC, Le Mondial, Le Parnasse et Le Rio au centre-ville de Tunis, l’Amilcar dans le quartier d’El Manar, l’Alhambra à La Marsa et le CinéMadart à Carthage. L’argent a été réparti en fonction du nombre de sièges de chaque espace.

Le Rio n’a pas nécessité d’intervention, car il a été remis à neuf récemment par ses propriétaires, mais il a tout de même bénéficié du subside. «Il serait injuste de ne pas soutenir les exploitants qui s’occupent de leur salle», estime Meriem Ben Abdelmalek. Quant aux autres lieux qui seront utilisés pendant les JCC, ils ne sont pas entrés dans le programme de rénovation, soit qu’ils viennent d’être inaugurés, soit qu’il s’agit d’espaces culturels publics tels que le théâtre municipal ou les maisons de la culture.

Les travaux ont démarré le 13 octobre dernier. «J’espère que les spectateurs remarqueront la différence», lance Meriem Ben Abdelmalek. Elle regrette de n’avoir pas pu entreprendre de changements «structurels»: «Au lieu de réparer des fauteuils datant de vingt ans, il aurait fallu en acheter des neufs. Au lieu de nettoyer une moquette usée jusqu’à la corde, il aurait fallu en poser une nouvelle. Malheureusement, le budget ne le permettait pas.»

Numérisation
Parallèlement au lifting des salles, les JCC ont également effectué un état des lieux des équipements audiovisuels, avec l’aide d’un expert français. «Nous avons visité quasiment toutes les salles et listé le matériel manquant», indique Meriem Ben Abdelmalek. Le Français a ensuite travaillé avec un prestataire tunisien pour fournir et installer les équipements.

Là aussi, un soutien financier a été apporté par le ministère de la Culture, en plus des 400’000 dinars offerts pour l’entretien des salles. Pour encourager le passage au numérique, le ministère prend en charge depuis 2012 déjà 50% des coûts du matériel requis, jusqu’à un maximum de 100’000 dinars, et ce pour chaque salle. La plupart des salles tunisiennes sont désormais équipées de cette technologie, indispensable alors que les bobines traditionnelles sont en voie de disparition.

Après cette première expérience, les responsables des JCC vont-ils continuer à jouer les entremetteurs entre les salles de cinéma et le ministère de la Culture à l’avenir? «Je ne sais pas si c’est voué à se perpétuer de cette manière, répond Meriem Ben Abdelmalek. C’est possible, puisque le festival sera désormais annuel et qu’il sera doté d’un bureau permanent.»


«Nous sommes conscients du manque d’entretien des salles de cinéma»

Fathi Kharrat, directeur du cinéma et de l’audiovisuel au ministère de la Culture, appelle à adopter une stratégie claire pour redynamiser l’industrie cinématographique tunisienne.

Malgré les subventions accordées chaque année par le ministère de la Culture aux salles de cinéma, leur état ne semble pas s’améliorer. Pourquoi?
Fathi Kharrat: Nous sommes conscients du problème. Malgré les subventions, les exploitants ne réalisent malheureusement pas beaucoup de recettes et n’arrivent pas à entretenir leurs salles. La fréquentation des salles de cinéma a baissé. Peu de films sont distribués en Tunisie. Avant les années 1980, on en important beaucoup plus qu’aujourd’hui et le pays comptait près de 80 salles. Le public répondait présent. Il y avait une dynamique. Désormais, il n’existe plus qu’une vingtaine de salles et seuls les grands rendez-vous comme les Journées cinématographiques de Carthage attirent du monde. Le reste du temps, les salles sont vides.

Pour quelles raisons?
FK: Le piratage et l’essor des chaînes de télévision donnent l’embarras du choix pour regarder des films. Cela dit, cette concurrence existe dans tous les pays, donc il ne peut pas s’agir de l’unique explication. Globalement, la cinéphilie est en baisse, en particulier chez les jeunes. Il faut aussi ajouter que le soir, le centre-ville de Tunis, où se trouvent la plupart des salles de cinéma, devient infréquentable. Les gens ne sortent plus. Il y a un paquet de mesures à prendre pour que la cinéphilie reprenne.

Lesquelles?
FK: Il faudra que le prochain gouvernement adopte une stratégie claire et l’applique. Des mécanismes doivent être élaborés pour inciter à investir dans l’industrie cinématographique. Il est notamment nécessaire d’aider les promoteurs à bâtir des multiplexes en leur fournissant des avantages. Le gros problème est celui de l’immobilier. Acquérir un terrain et construire un multiplexe coûte trop cher aujourd’hui.

Une version de cet article a été publiée par l’agence TAP.

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