Les (non) élections du 26 octobre

Cartoon du Seatle Times

 

«Les élections sont prévues dimanche 26 octobre». Ce fut l’une des premières choses que j’ai apprise lorsque que je commençais à me renseigner sur Haïti. En apercevant une étincelle s’allumer dans mon regard de journaliste, mon interlocuteur s’est empressé d’ajouter : «Mais elles vont à nouveau être reportées, et c’est tant mieux pour toi. Pendant les élections, les gens sortent manifester et cela devient dangereux.» Elections. Nouveau report. Manifestations. Je me suis dit que j’allais utiliser ces trois mots clés pour partir à la découverte – théorique – de la situation politique dans le pays.

Il m’a d’abord fallu faire la connaissance de Joseph Michel Martelly qui préside la République d’Haïti depuis le 14 mai 2011. L’homme aux chemises fuchsias est arrivé au pouvoir un an après le tremblement de terre et alors que l’Île affrontait une grave épidémie de choléra.

Jusque-là, Michel Martelly était connu comme Sweet Micky, son nom de musicien. Désormais, il est surnommé Tet Kalé – «crâne rasé» – en référence à son visage glabre. Un petit tour sur Youtube m’a fait découvrir les airs de kompa qui l’ont rendu célèbre.

Puis, la plateforme m’a invité à cliquer sur un lien vers une rencontre entre Obama et Martelly devant la presse en février dernier. On y voit le président américain, bien calé dans son siège, les jambes croisées encourager la lutte contre la corruption, encourager la démocratie et pour la tenue d’élections. A ses côtés, son homologue haïtien écoute sagement, droit comme un i, les bras raides posés sur ses genoux. Leur différence de gestuelle m’a frappée presque autant que leur ressemblance physique. Les élections en Haïti, Obama les attend donc aussi.

Mais quelles élections ? Législatives et municipales, Madame ! Les sites d’information présentent ces élections comme une telle évidence que je suis sentie presque honteuse de ne jamais en avoir entendu parler; d’autant plus que la communauté internationale (dont je fais quand même un peu partie) insiste pour qu’elles aient lieu rapidement.

Législatives? La Constitution dote le pays de deux organes législatifs : l’Assemblée nationale (30 sénateurs) et de la Chambre des députés (99 sièges). Ces deux instances sont encore majoritairement constituées d’élus d’INITE, la plateforme politique du président précédent, René Préval. Ce qui expliquerait certains blocages, quant au choix d’un vice-président notamment, explique mon guide touristique*. Martelly a dû s’y reprendre à trois fois pour faire accepter un candidat ; Laurent Lamothe occupe désormais ce poste.

En mars cependant, un accord a été trouvé entre le président et d’autres instances de l’Etat. Il prévoyait de renouveler non seulement les deux tiers du Sénat, mais également la Chambre des députés et les exécutifs des collectivités territoriales…le 26 octobre 2014.

– «Et pourquoi ces élections n’ont-elles pas lieu ?»

– «La Constitution prévoit le renouvellement de dix sénateurs chaque deux ans, le deuxième dimanche de janvier. Ces élections devaient avoir lieu en 2011, puis en 2012, mais n’ont jamais eu lieu. Entretemps, dix sénateurs sont déjà partis et dix autres doivent partir le 12 janvier. A cette date, il ne restera que dix sénateurs ce qui rendra le Parlement caduque. Voilà pourquoi maintenant, tout s’emballe.»

La réponse de mon collègue m’éclaire un peu plus.

Depuis un mois, et suite à une interview donnée par Martelly en marge de l’Assemblée générale des Nations Unies à New-York, le terme «crise pré-électorale» est sur toutes les lèvres. Le président a en effet déclaré être prêt à gouverner par décret à partir du 12 janvier en cas de caducité du Parlement. «C’est ce qu’il a toujours voulu», résument certains. Quoiqu’il en soit, depuis cette déclaration les «propositions de sortie de crise» pleuvent sur Port-au-Prince. Avant de s’évaporer aussitôt.

Quant à la chambre des députés, «celle-la, on l’a oubliée», résume mon collègue. Elle connaît pourtant des problèmes de renouvellement de députés similaires ; des villes importantes comme Jacmel n’y sont plus représentées.

Et les élections municipales ?

Fin 2011, quelques mois après son arrivée à la présidence, Martelly a remplacé la plupart des maires des communes du pays par des «agents exécutifs intérimaires», «des gens qui avaient soutenu sa campagne, mais qui ne sont pas représentatifs de la population», m’explique-t-on. La tenue d’élections permettrait de les remplacer. Mais ici aussi, rien ne s’organise.

Des voix s’élèvent donc pour demander la démission du président. Parmi eux, le «groupe des six», six sénateurs (restant), et le Mouvement patriotique de l’opposition. Vendredi 17 octobre, jour de la 208e commémoration de l’assassinat de l’empereur Dessalines, entre dix-huit et vingt-deux personnes ont été arrêtées lors d’une manifestation antigouvernementale, violemment réprimée. Une nouvelle mobilisation est prévue pour ce dimanche 26 octobre. Mais pas d’élections.

*Haiti, Paul Clammer, éditions Bradt. 2012.

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