L’Yverdonnois Georges Duriaux est le prince des oiseaux du Nicaragua

Écotourisme L’ancien coopérant a créé l’une des réserves naturelles les plus importantes de ce pays d’Amérique centrale. Et a marié habilement tourisme et production de café pour vivre de sa passion: l’ornithologie

 Photo Valerian Mazataud

 

C’est au Nicaragua, à 170 kilomètres de la capitale et à plusieurs milliers de son Yverdon (VD) natal, que Georges Duriaux vit depuis près de quarante ans. Arrivé à 21 ans comme horticulteur, il essaie d’abord d’y importer des arbres fruitiers. Après quelques années de succès mitigé, il rejoint la Coopération suisse et y travaille jusqu’en 1988. En poste dans le Nord pendant la révolution sandiniste, il est présent lorsque les deux Suisses Maurice Demierre et Yvan Leyvraz sont assassinés, en 1986, par les paramilitaires financés par les États-Unis. «C’était un moment vraiment pénible. Nous étions coincés entre les combattants qui venaient du Honduras et l’armée nicaraguayenne. Quand une mine a sauté à 20 kilomètres de là où je travaillais, j’ai demandé à être déplacé.»
En 1988, il décide de monter son propre projet et fonde la réserve naturelle El Jaguar. Avec près de 220 hectares, dont plus de la moitié de forêt, elle fait partie d’une alliance de cent réserves nicaraguayennes, toutes privées. Solidaires, ces structures offrent, aux écoliers du pays, des cours d’éducation environnementale. Située à 1300 mètres d’altitude, constituée en grande partie de ce qu’on appelle la «forêt de nuages», en raison du brouillard permanent causé par le taux très élevé d’humidité, elle est un paradis pour les oiseaux migrateurs.
Une réserve pour les oiseaux
En quinze ans, El Jaguar est devenu la principale station ornithologique du pays et la plus vieille station ornithologique d’Amérique centrale. Elle a permis de bâtir un corridor écologique, par lequel les oiseaux migrateurs traversent les deux continents américains. Georges Duriaux et sa femme, Lili, y ont dénombré plus de 350 espèces. «Quand j’étais enfant, je faisais partie du Club ornithologique de Champittet, près d’Yverdon. Puis j’ai laissé ça un peu de côté jusqu’à ce que l’on découvre que notre ferme était pleine d’oiseaux, et la passion m’a repris», rigole-t-il.
Muni de ses jumelles, il nous fait faire le tour de sa propriété pour repérer les innombrables oiseaux colorés, dont certaines espèces sont menacées, telle la paruline à ailes dorées. «Nous avons de plus en plus de touristes néerlandais, allemands et américains. Ils me disent être déjà allés quatre ou cinq fois au Costa Rica et vouloir découvrir autre chose.» En effet, son voisin du Sud, poids lourd du tourisme écologique, montre des signes d’essoufflement. Ses parcs naturels sont bondés et les prix ont pris l’ascenseur. Le Nicaragua, avec 1,4 million de touristes en 2015 contre le double pour le Costa Rica, fait encore office de Petit Poucet, même si le tourisme y est en forte progression (plus 40% depuis 2010).
Et l’élégant félin qui a donné son nom au parc, a-t-on une chance de le croiser? «Lorsque nous sommes arrivés sur place, on nous a dit qu’il y avait des jaguars ici, et que c’était un animal sacré pour les Mayas. Mais les seuls félins que nous avons vus, ce sont des pumas. Ce n’est pas grave. Jaguar est un joli nom…»
Si le tourisme croît depuis quelques années, Georges Duriaux admet que seule la production de café les maintient à flot. «Nos 100 hectares de forêt nous ont permis de certifier notre café Rainforest Alliance. Du coup, nous vendons l’entièreté de notre production à Allegro Coffee, une filiale de Whole Foods Market (le leader des supermarchés bio américains, récemment acheté par Amazon, ndlr).» Le couple Duriaux est aujourd’hui à la tête d’une trentaine de personnes, dont six s’occupent du tourisme. Si son café a été épargné par la rouille du caféier venue du Salvador et est régulièrement très bien noté lors des contrôles de qualité, Georges Duriaux et sa famille ont connu des moments difficiles. «Aujourd’hui, nous exportons 56 tonnes aux États-Unis à un très bon prix. Mais, lorsque le Vietnam a commencé à produire du café en masse, les prix ont dégringolé à 60 dollars la tonne. C’était très très dur.»
Grâce à l’excellent prix garanti pour trois ans (près de 3 fois le prix du marché actuel), les Duriaux peuvent enfin souffler. Mais le rachat par Amazon leur fait craindre pour l’avenir. «Ils vont vouloir augmenter les quantités mais baisser les prix. Je sais que je ne pourrai plus jamais obtenir un prix comme celui que j’ai maintenant», explique, philosophe, le Vaudois. Exportateur de trois variétés, Georges Duriaux a fait l’acquisition d’une machine de triage de café écologique qui fonctionne entièrement à l’énergie solaire. Alors qu’il nous fait visiter sa propriété qui résonne de bruits d’animaux, les forêts, partout autour de nous, ont quasi disparu, remplacées par des champs de patates qui s’étendent à perte de vue. Mais le Romand ne désespère pas de créer des émules. «Il faut savoir être patient. Depuis que nous sommes ici, nous avons replanté plus de 20 000 arbres dans la région. Petit à petit les gens comprendront que le tourisme est un outil de conservation qui va de pair avec l’économie.»
La réserve naturelle de Georges Duriaux s’étend sur près de 220 hectares, dont plus de la moitié de forêt. Valerian Mazataud/Hanslucas.com
«Petit à petit, les gens comprendront que le tourisme est un outil de conservation qui va de pair avec l’économie»
 

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