Des racines jusqu’aux ailes

Grand Boulange, Haïti © Youri Hanne
Grand Boulange, Haïti © Youri Hanne

Construire des murs secs et planter des arbustes pour combattre l’érosion des sols et préserver la production agricole, telles sont les activités que finance le Programme alimentaire mondial (PAM) à Grand Boulange, sur la commune de Thomazeau, dans le département de l’Ouest.

Avec un soutien de la Coopération suisse de 1,5 millions de dollars américains en 2015, le PAM vient en aide à des centaines d’agriculteurs de la région pour faire face à la sécheresse. Malgré l’appui de l’aide internationale, le défi de cette communauté, enracinée dans l’agriculture depuis des générations, reste de taille.

Pour lutter contre l’insécurité alimentaire liée à la sécheresse, 671 participants ont mis la main à la pâte en érigeant des murs secs à Grand Boulange, en juin et juillet de cette année. Par équipes de 20 personnes et sous la directive d’un chef formé par le Programme alimentaire mondial, les agriculteurs ont œuvré 6 heures par jour. Pour ce travail, ils ont touché quotidiennement 4 dollars américains. À Grand Boulange, le PAM travaille en partenariat avec AJAD, l’Association des jeunes en action pour le développement.

Chrismène Mercilus est agricultrice. Elle raconte ce que lui a permis ce programme : „J’ai pu réunir suffisamment d’argent pour rembourser mes crédits et envoyer mes enfants à l’école“. Toutefois, elle  n’est pas au bout de ses peines: „Je n’ai plus grand chose à mettre dans ma marmite“. Quant à savoir si elle peut compter sur la solidarité de la communauté pour lui venir en aide : „Même bagay (on est tous dans la même situation)“, déplore cette quinquagénaire.

Cette année, la sécheresse a été dévastatrice pour celles et ceux qui vivent essentiellement des fruits de la terre. Certains agriculteurs n’ont eu d’autre choix que de couper leurs arbres et de vendre le bois qui deviendra du charbon. Planter davantage d’arbres et empêcher la coupe est une nécessité pour préserver la qualité des sols estime Joseph, agriculteur.

Une plantation au début de la saison des pluies et une seconde plantation à la fin du mois d’août ont toutes deux succombé au manque de pluie, raconte un congénère de Joseph. Les pois-congo (légumineuse) et les avocats se font rares. Lorsque la pluie s’abat fortement sur la terre aride, l’eau peine à pénétrer dans le sol et abime la couche arable, riche en humus. Lysnel Louis dit n’avoir plus de graines pour la saison prochaine. Il ignore comment il subviendra aux besoins de sa famille.

Les carences alimentaires pénalisent les habitants, en particulier les enfants. En cause, le manque de diversité des cultures. Pas moyen de cultiver des carottes ou d’autres produits maraîchers. À Grand Boulange, nul ne possède de pompe capable d’arroser sa plantation et rares sont ceux qui détiennent un réservoir pour récupérer l’eau de pluie, fait remarquer un troisième agriculteur, Robélus Dumisseau. Pour trouver un point d’eau et s’approvisionner pour les besoins du quotidien, les membres de la communauté parcourent une vingtaine de kilomètres à pied. L’eau qu’ils y trouvent n’est pas traitée.

La Coordination nationale pour la sécurité alimentaire prévoit que la production agricole de cette année sera inférieure à 50% par rapport à une année normale. La directrice du PAM en Haïti, Adama Diop-Faye, assure qu’elle fera son possible pour continuer de soutenir les paysans. L’Ambassadeur de suisse à Port-au-Prince, Jean-Luc Virchaux, souligne l’importance de soutenir des dynamiques locales pour renforcer l’autonomie des communautés. Et permettre à ce peuple de la terre de voler de ses propres ailes.

Youri Hanne

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